La Gazette                

Asile donné, asile respecté

n°31 – 30/08/04

 

"Je n'ai jamais tué et je peux le dire les yeux dans les yeux aux parents, aux victimes, aux magistrats"
Cesare Battisti. Interview parue dans le Journal du Dimanche du 8 août

 

 

Depuis le communiqué précisant que Cesare Battisti ne s’était pas présenté au contrôle judiciaire du samedi 21 août dernier, les langues et les plumes se sont déliées très vite. Les suppositions les plus hardies laissaient entendre, certains affirmaient même, que Battisti avait réussi à quitter la France pour une terre plus hospitalière. Et parmi nombre de ses soutiens, cette phrase revenait comme un leit motiv « il a réussi ». La réalité demeure moins romantique puisque dans le communiqué que nous reproduisons ci-après, Cesare Battisti explique qu’il se trouve en France et pourquoi il tient à y rester. Peu avant l’été, je l’avais interrogé sur une hypothétique fuite à l’étranger. Il m’avait répondu qu’à son âge (50 ans) il n’en était pas question car il lui serait difficile de revivre ce qu’il avait connu plus de vingt ans auparavant. Et pourtant, malgré cette confidence, j’ai cru quelques heures, moi aussi que Battisti s’était exilé à l’étranger, pour faire la nique à tous les abus de pouvoir qui se sont manifestés à propos de son jugement.

 

 

 

LETTRE DE CESARE BATTISTI


A LA JUSTICE FRANÇAISE


 

 

 Je suis dans l'obligation de me soustraire au contrôle judiciaire qui m'a été imposé et je veux m'en expliquer face à la justice française. Je ne quitterai pas la France, je ne saurai pas le faire, c'est mon pays et je n'en vois pas d'autre dans mon futur. Ma vérité est ici, beaucoup de citoyens français me l'ont confirmé. La Cour d'Appel de Paris, en se déclarant favorable à mon extradition, m'a condamné à la prison à vie en Italie. Le choc est énorme, je ne pouvais pas croire que la justice française se plierait au pouvoir politique, revenant sur la chose déjà jugée en 1991, je ne pouvais pas croire qu'elle accepterait la contumace italienne qui ne me donne plus aucune possibilité de défense. Enfermé à vie, trente ans après les faits, ce seraient la famille, les enfants, d'autres vies qui paieraient. Je ne peux pas courir ce risque, ne plus revoir mes enfants, le pays où ils sont nés, l'idée m'est insupportable. La déclaration de Jacques Chirac, deux jours après la décision de la Cour d'Appel, a achevé de m'ôter tout espoir. Face au gouffre, que me reste-t-il ? Seulement mes enfants et la subtile possibilité, un jour peut-être, de pouvoir m'expliquer sur mes responsabilités politiques et pénales et revenir enfin sur ce passé que l'Italie voudrait, me semble-t-il, enterrer à jamais au prix d'une sauvage contrefaçon historique. Je me soustrais au contrôle judiciaire, donc, mais je reste en France, parce que c'est d'ici, avec l'aide de tous ceux qui encore croient à cette justice qui avait fait de la France le pays des Droits de l'homme, que je continuerai à me battre afin que justice soit faite et à l'homme et à l'histoire. Cette conviction me donne le courage d'attendre l'ultime décision, jusqu'au dernier recours, dans l'espoir que, dans ce pays qui est le mien, les mots Justice et Liberté signifient encore quelque chose.

                                                                               Cesare BATTISTI

 

 

 

 

 

FAIRE SIGNER LA PETITION

 

La disparition de Cesare Battisti a suscité bien des commentaires et durant cette période, nous avons été approchés par des radios ou des quotidiens qui espéraient de nous des tas d’informations croustillantes sur un homme que la plupart des médias avaient condamné sans appel avant que la cour ne le fasse en vrai. Dans le même temps, ces journaux qui l’avaient traité de façon ignoble ont semblé changer de ton en traitant l’affaire de façon plus humaine. Est-ce à dire que leur mauvais coup réussi, ils s’adoucissent car la décision est prise et rien plus n’y changera ? Ou bien est-ce, quoi que bien tardif un intérêt sincère ? Entre ces deux hypothèses, je ne me hasarderai pas à trancher. Ce qui est sûr, pour tous ceux qui défendent Battisti, pour tous ceux qui refusent cette extradition et exigent le respect de la parole donnée, pour tous ceux-là, il ne faut pas s’arrêter. Il faut continuer de faire signer la nouvelle pétition du 13 juillet destinée au président de la république. Il faut faire signer tous ceux qui avaient déjà signé la précédente et reconnaissons qu’avec, à ce jour 3.578 signatures, il reste encore pas mal de chemin à faire pour atteindre les 24.000 noms recueillis sur le texte précédent. Mais cette mobilisation est importante, d’autant que la fin du mois d’août a connu quelques rebondissements qui en présagent peut-être d’autres ? Alors n’oubliez pas les adresses utiles pour signer la pétition :

 

http://www.ldh-france.org/agir_manifestations2.cfm?idmanif=124

Vous pouvez aussi écrire personnellement à Chirac comme nous l’avons fait par dizaines ces derniers jours sur le site :  http://www.elysee.fr/ecrire/mail.htm

Ne restons pas sans réagir devant cette infamie !

 

La rapidité avec laquelle je m’efforce de rédiger cette gazette pour qu’elle vous parvienne avant que les articles reproduits ne soient périmés, m’oblige à faire des choix . Par exemple, dans ce numéro, je n’ai pas reproduit les diverses lettres adressées à Chirac par des collègues romanciers qui m’en ont donné copie. Sans m’en tenir grief, qu’ils continuent à m’informer de leurs initiatives.

Claude Mesplède

 

 

 

UN MESSAGE DE

JEAN-CHRISTOPHE CHARVY

 

J'ai essayé de m'imaginer à Sa place. Envisager de tout quitter, maison, femme et enfant. Tout abandonner pour fuir devant l'implacable et injuste machine judiciaire. Laisser derrière soi tout ce qu'on a bâti, tout ce qu'on a construit, de relations humaines et d'empreintes concrètes. Je suis ressorti de cet exercice d'esprit, avec une souffrance immense, un dégoût de la vie, un désespoir sans horizon.

 

Depuis samedi (comme c'est étrange), on ne parle que de lui. Quand il aurait eu besoin d'une couverture médiatique pour lui réchauffer le cœur, il n'y avait personne. Personne pour dire les raisons du combat, personne pour dire les actions de soutien. Mais un homme en fuite, un fugitif, un hors-la-loi, un homme qu'on imagine être aux abois, ça c'est vendeur, accrocheur, susceptible d'interpeller les travers de l'âme des télé voyeurs.

 

Un dégoût du système me prend à la gorge. Les mots me manquent pour exprimer le sentiments qui s'entredéchirent dans mon cœur. Je vomis les charognards qui font de l'argent sur la détresse des hommes. Je vomis. Tout simplement.

26 août 2004

 

 Jean-Christophe Charvy est le créateur du site qui héberge cette Gazette

http://cesarebattisti.free.fr/

 

 

DERNIÈRE MINUTE

Un mandat d'arrêt a été lancé contre Battisti

lundi 30 août 2004 (Reuters - 15:18)

PARIS - La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a délivré un mandat d'arrêt contre l'ancien activiste d'extrême gauche italien Cesare Battisti, dont l'Italie réclame l'extradition.

Cesare Battisti ne s'est pas présenté depuis deux semaines au "pointage" hebdomadaire au commissariat, imposé par son contrôle judiciaire. Il était également absent lundi après-midi à l'audience de la chambre de l'instruction, tout comme ses avocats.

Les avocats de Cesare Battisti et ses soutiens devaient tenir une conférence de presse dans l'après-midi à Paris.

Condamné à perpétuité en Italie pour son implication dans quatre meurtres à la fin des années 70, l'ex-membre des "Prolétaires armés pour le communisme" s'est évadé d'une prison italienne en 1981, s'est enfui au Mexique et s'est réfugié en 1990 en France où il est devenu concierge puis auteur de romans policiers.

C'est le ministère de la Justice, via le parquet général, qui a demandé la révocation de son contrôle judiciaire le 21 août, quand il ne s'est pas présenté à son "pointage" hebdomadaire devant les policiers.

"La justice ne peut se satisfaire d'un pied de nez de cette nature. Son but sera de tout mettre en oeuvre pour que M. Battisti réponde de ses actes devant la justice italienne", a dit la représentante du parquet général à l'audience.

Dans une lettre rendue publique par ses avocats la semaine dernière, Cesare Battisti, 49 ans, déclare qu'il ne veut plus se soumettre aux mesures de contrôle judiciaire mais affirme qu'il est toujours en France.

"Je ne quitterai pas la France, je ne saurai pas le faire, c'est mon pays et je n'en vois pas d'autre dans mon futur", écrit-il.

Placé sous écrou extraditionnel entre le 10 février et le 3 mars, Cesare Battisti avait été remis en liberté sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter l'Ile-de-France, de se rendre près des aéroports et obligation de "pointer" chaque semaine. Son passeport et ses documents d'identité lui ont été retirés.

La cour d'appel de Paris a rendu le 30 juin un avis favorable à son extradition et la Cour de cassation doit examiner le 29 septembre le pourvoi déposé contre cette décision.

 http://www.liberation.fr/page.php?Article=235009