Merci à ceux d'entre vous qui recevraient ce journal en double de me l'indiquer. Idem pour ceux qui souhaiteraient ne plus le recevoir
Claude

 

La Gazette                                                                 

Pour le respect de la parole donnée

n°13 – 08/03/04

 

 

Battisti libéré ! Et maintenant ?

Claude Mesplède

 

Tous les signataires de la pétition hébergée par « Mauvais Genre »et tous les lecteurs de la Gazette se sont réjouis de la remise en liberté de Cesare Battisti. Toutefois cette liberté reste conditionnelle. Il ne peut franchir les limites de l’Ile de France, ni s’approcher d’un aéroport et il doit aller pointer chaque semaine. Néanmoins, la question qu’on est en droit de se poser est la suivante : pour en arriver là était-il besoin de priver cet homme de sa liberté pendant vingt-deux jours ? À moins que la décision des magistrats de la cour d’appel de Paris ait surpris jusqu’au ministre de la justice lui-même ? En effet, a-t-on jamais vu un Garde des sceaux s’investir autant sur un tel dossier et multiplier les déclarations fracassantes sur les ondes ou à la télévision jusqu’à la veille de la comparution de Battisti devant la cour d’appel ?

 

Le caractère de ces déclarations, tout comme les articles publiés par la presse qui soutient le Garde des sceaux se limite à une phrase unique sans cesse répétée comme un slogan : « les assassins doivent payer ». Et d’énumérer des faits précis en les qualifiant d’irréfutables. Comme si un procès jugé par une cour d’exception, sur la base de témoignages de « repentis » et hors la présence du prévenu, pouvait représenter  ce qu’il y a de meilleur en démocratie. En tout cas, comme preuves irréfutables, on peut certainement mieux faire.

 

Fustiger les signataires qui réclament la liberté pour Battisti semble à la mode dans Le Figaro comme dans l’Express. Cette stratégie, car il s’agit bien ici d’une stratégie mise au point par le ministre, ne vise qu’à noyer le poisson et à faire oublier l’essentiel du dossier. C’est à dire l’engagement solennel du président de la République François Mitterrand d’accorder en 1985 l’asile politique à des activistes décidés à rompre avec leur passé. Un engagement aujourd’hui renié par le ministre de  la justice.

 

Je ne suis pas plus angélique que ceux qui nous malmènent dans la presse. Ceci ne m’empêche toutefois pas d’avoir quelques principes et de m’y tenir. Le respect de la parole donnée est l’un de ces principes que j’estime inaliénable. Cet engagement solennel d’accueillir sur le sol français des hommes et des femmes, dont nul n’ignorait que certains pouvaient avoir commis des actes répréhensibles, n’a soulevé à l’époque aucune opposition, aucune contestation, ni à gauche, ni à droite. Et durant des années, malgré les alternances des gouvernements, nul n’a songé à bafouer la parole donnée par la France. Je ne me livrerais pas ici à une subtile analyse sur les raisons de ce changement d’orientation. Je constate seulement que le ministre de la justice se garde bien de mentionner cet engagement car il aurait quelques difficultés à expliquer pourquoi il le désavoue.

 

Le Garde des sceaux a peut-être des enfants. Dans ce cas, il sait que les enfants réagissent comme nous. Il vaut mieux éviter de leur faire des promesses et de ne pas les tenir. Non seulement, ils sont mécontents, mais ils ne font plus confiance à leurs parents. Lorsque cette façon d’agir devient une pratique au niveau de l’état lui-même, cela devient scandaleux et nuit gravement à la crédibilité d’un gouvernement démocratique qui, ces derniers temps, multiplie les promesses auprès des hôteliers, des buralistes, des chercheurs, etc. C’est si vrai que plusieurs élus de la majorité au pouvoir se sont exprimés eux aussi pour le respect de la parole donnée, ce qui confirme s’il en était besoin, que cette valeur est sensible à tout individu bien au delà de ses options politiques.

 

Si Battisti est sorti de prison, il reste toujours sous la menace d’une extradition vers l’Italie, ce qui, compte tenu de la législation en vigueur, se traduirait par un emprisonnement à vie en fonction de la condamnation du tribunal d’exception qui l’a jugé par contumace sur la foi notamment de témoignages d’activistes repentis. Le jugement sur cette extradition se tiendra le 7 avril prochain, mais il ne sera pas connu immédiatement et il y a des chances pour que la décision soit rendue quelques semaines, voir plusieurs mois après. C’est dire les moments d’angoisse que vivent Battisti, sa famille et toutes celles des dizaines d’exilés italiens placés dans une situation similaire. A cette occasion il est bon de revenir sur cette nouvelle procédure.

 

En 1991, la cour d’appel a rendu deux jugements défavorables à l’extradition de Battisti vers l’Italie. Attention, l’affaire n’a pas été jugée sur le fond. La délibération a considéré la demande d’extradition irrecevable dans la mesure où les garanties d’un jugement équitable n’étaient pas remplies. Or, en droit français, une chose déjà jugée ne peut plus être rejugée. J’ignore sur quel artifice de procédure s’appuie le ministre pour ne pas respecter la loi, mais c’est ainsi. Le combat mené par les avocats de Battisti se devra donc de prendre un tournant juridique.

 

Orchestré par la presse italienne et relayé par le ministère de la justice, un déferlement médiatique d’une violence et d’une intensité rarement égalées tente de convaincre l’opinion de la culpabilité de Battisti. Ne tombons pas dans ce panneau grossier. Nous défendons Battisti parce qu’un président lui a accordé l’asile politique et que ce qui est donné ne se reprend pas. Tous les signataires de la pétition doivent se sentir alertés par l’inégalité des moyens qui sont les nôtres pour que, nous aussi poursuivions nos explications auprès de tous les citoyens de bonne foi. Il importe donc de créer partout où cela est possible un comité de soutien (par village, ville, quartier, arrondissement) qui, comme ceux déjà existants poursuivra la collecte de signatures et la mobilisation des citoyens sur les deux axes indissociables :

 

respect de la parole donnée

 

chose jugée ne peut être rejugée.

 

 

 

 

BILLET D’HUMEUR

 

L'envol

Jean-Pierre Planque

 

J'écris, j'aligne des mots.

Je ne sais plus très bien ce qu'on me reproche.

Ah, oui. Il paraît que tout ce que j'écris finit par arriver...

C'est grave, ça ?

Oui, il paraît. Il paraît que c'est pire que le terrorisme, pire que de jeter une bombe dans la gare de Milan au moment des départs en vacances !

Hier, j'ai ramassé un morceau de plâtre dans la cour de la promenade et j'ai écrit, sur le mur de ma cellule : « La paix en Haïti. Aristide sera jugé et Cesare Battisti libéré. »

J'écris comme ça vient. Je ne réfléchis pas. Vous savez que des hommes en noir m'ont proposé des sommes considérables pour écrire des trucs comme « L'ultra libéralisme est l'opium du peuple » ou bien encore « Vivre, c'est gagner ! »

n m'a proposé de réécrire l'Histoire. J'ai refusé. J'écris ma vie dans ma  tête. Ma cellule sent mauvais, personne ne me demande au parloir. J'en ai marre d'attendre. J'ai décidé d'écrire avec mon sang.

Une plaie minuscule, presque rien. Ça coule, c'est rouge. Avec mon ongle, j'écris : « Je suis un oiseau bleu dans le ciel de la Guadeloupe. »

Jean-Pierre Planque (02/03/04, Guadeloupe)

 

 

Le roman noir est le cri du perdant qui ne veut pas perdre la mémoire (Cesare Battisti)

 

 

 

La Gazette a son site

 

http://cesarebattisti.free.fr/

 

 

SOUTIEN FINANCIER Cet argent servira notamment au paiement des avocats. En effectuant un versement à Valentine Battisti BNP Paribas 30004 01861 00001268951 84 ou en envoyant un chèque à Valentine Battisti,159 rue du Château des Rentiers - 75013 Paris

 

Plus de 20.000 signatures !

Plus de 20.000 personnes ont approuvé la pétition qui exigeait la libération de Cesare Battisti et sa non extradition. Parmi tous ces signataires figurent de nombreux écrivains français. Mais des auteurs de polars, des traducteurs et des éditeurs étrangers dont les noms nous sont familiers ont également exprimé leur soutien.

Aux Etats-Unis : Edward Bunker, Jim Nisbet, Christopher Cook, Jack O’Connell, Patrice Nganang, Fred Willard, Janwillem Van de Wetering, Dennis Lehane et la romancière Sparkle Hayter. En Espagne : José Javier Abosolo, Rosa Olivares, Lourdes, Ezequiel Perez (Zeki), Francisco Alonso Villaverde, Nicole Canto, Emiliano Bruno, Martine Joulia, Raul Sanchez, Jordi Canal, Justo E. Vasco, Cristina Maciu, Francisco Gonzales Ledesma. En Italie : Stanislas Cotton, Ermanno Gallo, Giovanni Zucca, Massimo Carlotto, Andrea Tognasca, Valerio Evangelisti. En Belgique: Nati B. Laitem, Claude Laverdure, Benoit Peeters, Barbara Abel, Dror Linder-Rajtberger, Kenan Gorgun, Michel Gheude, François Noël Deman, Paul Willems et Claude Gaspard. Au Portugal : Filomena Marona Beja, Helia Correia. En Suisse : Fabrice Bachli et Jean Ziegler ; Au Canada : Marie-Claude Mirandette et André Marois. Au Mexique : Rolo Diez, Myriam Laurini, Nicolas Arraitz. En Argentine : Osvaldo Aguirre, Alejandro C. Tarruella. Au Luxembourg : Frédéric Braun, Laurent Bozon, Tullio Forgiarini. Ainsi que Bachir Abbas (Londres), Birte Nyholm (Danemark), Aspasia Konstantinidou (Atnènes), Habache Iskandar (Beyrouth), Arysteides Turpana Iguaigliginya (Panama).

 

 

Pour la Gazette, l’écrivain barcelonais Francisco Gonzales Ledesma m’a adressé ce texte :

 

« J'ai pu rencontrer Cesare Battisti en France lors d'une réunion d'auteurs du roman noir et par les confidences qu'il a bien voulu me faire sur son passé - alors que rien ne l'obligeait à être d'une telle franchise envers moi - j'ai pu apprécié sa grande droiture et sa sincérité. En tant que juriste, je suis assez scandalisé par la façon dont les choses se sont passées et je me solidarise de tout cœur avec lui et avec tous ceux qui demandent sa libération ».

Francisco González Ledesma avocat, journaliste et écrivain

 

Claude